La figure d'Abû Madyan dans la Shâdhiliyya et le commentaire de ses Hikam par le cheikh al-'Alawî (I)
Les Mawâdd al-ghaythiyya l-nâshi’a ‘an al-hikam al-ghawthiyya (1) sont l’œuvre la plus volumineuse du cheikh al-‘Alawî (2) et constituent un authentique traité de soufisme contemporain à destination de ses disciples et, plus généralement, des adeptes de cette tarîqa d’origine shâdhilî.Cet ouvrage, dans lequel le caractère didactique de la méthode spirituelle se manifeste clairement, consiste en un commentaire systématique des Hikam (aphorismes) d’Abû Madyan (m. 594/1198), le célèbre soufí originaire de Séville et enterré à proximité de Tlemcen, en Algérie.
C’est en septembre 1910 que le cheikh en termina la rédaction, c’est-à-dire un an après la mort de son maître spirituel, le cheikhMuhammad al-Bûzîdî. Dans l’introduction du livre, le cheikh expose clairement les raisons de sa démarche : " Pour commencer, nous devons dire que cela fait plus de seize ans que nous avons commencé à nous intéresser à ces nobles aphorismes (hikam), en compagnie d’un groupe de frères qui nous guidaient vers Dieu à travers les stations spirituelles de l’excellence (ihsân). Cette lecture nous apporta sérénité et épanouissement spirituels, en raison des vérités (haqâ’iq) et des précisions subtiles (raqâ’iq) qu’ils contiennent, et c’est une particularité de ces aphorismes que de clarifier grandement les enseignements spirituels (3). "
Le cheikh nous dit qu’à partir de ce moment, il ressentit le vif désir de faire tout son possible pour écrire un commentaire de cette oeuvre. Il constatait que personne jusqu’alors n’avait réalisé un travail complet sur ces Hikam d’Abû Madyan, contrairement à ce qui s’était produit pour d’autres livres de même nature (4).
Plein de ferveur, le cheikh fit le vœu suivant : " Si Dieu me prête vie, me prend en charge dans Sa grâce, me comble de bienfaits comme à Son habitude, "élargit" ma poitrine, dénoue le nœud de ma langue (5) et rend mes paroles compréhensibles afin que je puisse expliciter certaines des significations de son œuvre, j’en écrirai un jour un commentaire pour bénéficier de sa bénédiction et mettre en évidence sa grande valeur (6). "
Mais après ce vœu, seize années (7) s’écoulèrent, et ce n’est qu’une fois devenu lui-même maître spirituel d’une branche de la Shâdhiliyya Darqâwiyya, succédant ainsi au cheikh Bûzîdî, décédé en 1909, qu’il entama la rédaction des Mawâdd.
Ces données permettent d’affirmer que le premier contact du cheikh avec les Hikam date de son rattachement à la tarîqa (8). Il est donc logique de penser que cette première " lecture " dont il est question faisait partie d’un enseignement spirituel plus général dispensé à ceux qui rejoignaient cette confrérie soufie, dont le chef était alors le cheikh Bûzîdî.
Mais cette utilisation pédagogique des Hikam n’est pas la seule preuve d’une influence d’Abû Madyan sur ces milieux soufis. Le cheikh al-‘Alawî nous parle également de la grande bénédiction (baraka) qu’apporte une visite à la tombe de ce saint, et signale que son propre maître insistait souvent sur l’importance de cette visite ; d’ailleurs, c’est en accomplissant une telle visite que le cheikh Bûzîdî, sous l’impulsion duquel la tarîqa allait prendre un nouvel essor, avait reçu d’Abû Madyan, en songe, l’autorisation de se rendre au Maroc à la recherche de son maître, ainsi que sa bénédiction (9).
L’anecdote suivante permet d’illustrer la nature du lien très étroit qui unit les deux hommes : à la mort du cheikh Bûzîdî, de nombreux membres du groupe eurent des rêves dont le contenu était clairement en relation avec la question de l’héritage spirituel du défunt, et bien des indices témoignaient du rôle que le cheikh al-‘Alawî allait être appelé à jouer (10). L’un de ces songes est celui d’un certain Muhammad Ibn Thûriyya : " Je voyais le cheikh Ahmad Ibn ‘Alîwa assis juste dans le disque solaire, au quatrième ciel, les mains posées sur les genoux, comme s’il se recueillait en lui-même. À ses pieds, il y avait un ruisseau qui courrait. Il tenait à la main un godet blanc décoré de trois filaments verts incrustés, et donnait à boire aux gens. Sîdî Abû Madyan al-Ghawth, qui se trouvait à sa droite, et Abû l-‘Abbâs al-Mursî, qui se tenait à sa gauche, lui disaient :
Donne-leur à boire, Ahmad, car tu es le seul échanson de cette époque (11). "
Un autre élément remarquable de cette vision, c’est qu’on y voit côte à côte Abû Madyan et Abû l-‘Abbâs al-Mursî, second fondateur de la Shâdhiliyya et andalou tout comme lui. Cela montre qu’il existe une conscience claire d’une origine spirituelle commune, conscience qui se maintient de façon " naturelle " dans ce milieu shâdhilî contemporain (12).
Mais quelle sorte de relation existe-t-il entre Abû Madyan et cette branche de la Shâdhiliyya, pour laquelle il représente incontestablement une importante référence ?
Nous ne pouvons affirmer l’existence d’une telle relation sur la base de points communs dans l’enseignement ou la méthode spirituelle, car nous ne disposons pas de preuves textuelles à cet égard, excepté quelques données éparses qui n’ont de toute façon qu’un caractère très général.
Dans son étude sur l’œuvre d’Abû Madyan, Vincent Cornell fait allusion à cette influence particulière, en l’attribuant au fait qu’Abû Madyan, comme allaient le faire plus tard les Shâdhilîs, ne considérait pas le soufisme comme une voie d’ascétisme et de contemplation exclusive, mais pensait au contraire qu’il devait être intégré au milieu social et jouer un rôle salvateur au sein de la communauté des croyants (13). Cette caractéristique est cependant commune aux différentes turuq qui apparaissent dans l’ensemble du monde musulman à partir du VIIe-XIIIe siècle, et qui représentent une nouvelle manifestation du soufisme, ou plutôt une adaptation obéissant à toutes sortes de nécessités particulières. Notons au passage que, dans la Shâdhiliyya, " social " ne veut pas dire " politique ", et en ce sens, les apparences peuvent être trompeuses. Si le saint shâdhilî semble avoir une initiative d’ordre politique, comme nous le verrons plus loin, c’est sous l’effet d’un rayonnement bénéfique qui ne l’implique lui-même en rien dans les affaires de ce monde (14).
En tous cas, ce sont bien les maîtres shâdhilîs qui ont le plus contribué à faire reconnaître au saint andalou son titre de ghawth, " intercesseur divin ", par lequel Abû Madyan est connu, tout particulièrement au Maghreb, titre qui correspond à un degré et une fonction spécifiques dans l’organisation hiérarchique du soufisme. Pourtant, leur action ne s’explique ni par l’existence d’un lien particulier qui puisse la justifier (15), ni par une œuvre écrite qui aurait laissé l’empreinte de ses enseignements dans la doctrine shâdhilî (16).
L’influence d’Abû Madyan, d’un point de vue plus objectif et vérifiable, se mesure au nombre très important de disciples et partisans qu’il a, directement ou indirectement, profondément marqués, et dont bon nombre, à leur tour, furent plus tard en contact avec les premiers maîtres de la Shâdhiliyya (17). Ce sont donc ses disciples, plutôt que ses écrits, qui ont porté témoignage de sa haute station spirituelle, disciples auxquels on doit de plus la transmission de son enseignement, ce qui est, par ailleurs, également le cas pour les deux fondateurs de la voie shâdhilî.
Ainsi, plusieurs saints et maîtres trouvent en Abû Madyan leur point de convergence, et c’est pourquoi ce dernier est devenu une référence essentielle du soufisme comme le signale R. Brunschvig : " Sa réussite, c’est d’avoir réalisé, d’une manière accessible à ses auditeurs, l’heureuse synthèse des influences diverses qu’il avait subies (18). " Ces influences sont celles du soufisme populaire de souche berbère d’une part et, d’autre part, celles du soufisme doctrinal, dans ses deux versions hispano-andalouse et orientale, auquel se rattachaient ses différents maîtres (19).
C’est dans le contexte du soufisme shâdhilî maghrébo-andalou que transparaît le mieux le résultat de cette synthèse ; nous pouvons l’apprécier, par exemple, au travers de la capacité d’expression spontanée et subtile caractéristique de ce type de soufisme : utilisant un langage simple et élaboré à la fois, il permet de découvrir, au sein même de l’ordinaire et du quotidien, des éléments de méditation et le matériel pédagogique de l’enseignement spirituel. Cette spiritualité, dans laquelle expérience immédiate et abstraction métaphysique se mêlent, apparaît comme une expression originale qui réalise la synthèse de mondes bien différents (20).
Héritier de cette tradition qui remonte, avec une étonnante continuité tout au long de sept siècles, jusqu’à Abû Madyan, le cheikh al-‘Alawî a développé, à partir du commentaire des Hikam, un ample traité de tasawwuf qui reprend la majeure partie des enseignements fondamentaux du soufisme shâdhilî maghrébin. Par conséquent, les Mawâdd sont un exemple de plus de la façon dont cette voie a interprété l’enseignement essentiellement oral du maître sévillan et l’a intégré à son propre enseignement.
La construction de cet ouvrage obéit à des critères pratiques et pédagogiques que le cheikh présente dans son introduction.
L’auteur explique avoir commencé par réaliser une sélection des Hikam, après en avoir collationné plusieurs copies et en suivant ses propres critères d’authentification. Ensuite, à partir de cette sélection, il a regroupé les aphorismes en fonction de leurs relations d’affinité, procédé qui lui paraissait le plus opportun au moment d’en entreprendre le commentaire (21).
Au total, le cheikh a retenu 180 aphorismes, répartis en 18 chapitres qui correspondent aux principales étapes de la voie spirituelle (22). L’auteur traite en premier lieu des vices de l’âme et des remèdes correspondants, puis suit tout ce qui se rapporte au respect des convenances spirituelles (adab) que l’aspirant (murîd) doit prendre en compte dans les différentes situations qu’il rencontre. Puis il en vient à l’analyse des thèmes classiques du soufisme que sont la science utile (‘ilm al-nâfi‘), le souvenir de Dieu (dhikr), la vigilance intérieure (murâqaba), la remise confiante à Dieu (tawakkul), l’indigence spirituelle (faqr), la pureté d’intention (ikhlâs), l’amour (mahabba), etc. Les derniers chapitres sont consacrés aux états, paroles et actes du ‘ârif (23), une fois qu’il a obtenu l’extinction (fanâ’) ; l’ensemble se termine par un chapitre sur l’anonymat (khumûl) du ‘ârif (24).
Comme nous l’avons déjà souligné, les Mawâdd sont en soi un véritable traité de soufisme, plus qu’un commentaire proprement dit. L’auteur utilise une terminologie classique, sans cependant en faire un usage excessivement restrictif. Il s’en remet souvent aux autorités classiques, qu’il cite beaucoup, et recourt fréquemment à la poésie, principalement celle d’Ibn al-Fârid, dans le but de rendre son discours expressif et convaincant. En tant que manuel de réflexion et d’enseignement à destination du disciple, les Mawâdd appartiennent à ce que nous pourrions appeler la " science du soufisme " (‘ilm al-tasawwuf), dont les principes doctrinaux s’appuient sur des sources traditionnelles bien établies.
Suite...
NOTES
1 Les substances célestes extraites des aphorismes de sagesse de l’intercesseur divin " ; al-ghaythiyya est l’adjectif de relation tiré de ghayth, " pluie abondante " ; nous avons préféré qualifier ces substances (mawâdd) de " célestes " pour donner à ce texte un sous-titre plus direct. Quant au titre choisi pour la publication, il correspond à ce qu’est réellement ce livre, à savoir un véritable traité didactique.
2 L’œuvre consiste en deux volumes, la date de sa finalisation étant mentionnée dans le second. Le premier volume a été édité une première fois en 1941, puis réédité en 1989. Le second n’a été édité qu’en 1994. Dans les deux cas, la publication a été assurée par l’imprimerie de la tarîqa ‘Alawiyya de Mostaganem.
3 Mawâdd,vol. I, p. 8.
4 Il est tout à fait possible que le cheikh ait eu en vue les nombreux commentaires des Hikam d’Ibn ‘Atâ’ Allâh, au premier rang desquels il faut placer celui d’Ibn ‘Abbâd, le plus connu en général et celui auquel se réfère le cheikh dans son oeuvre.
5 Expressions coraniques utilisées pour exprimer la maturité spirituelle que requiert un tel travail. Cf. notamment Cor. (20, 26).
6 Mawâdd, vol. I, p. 9.
7 Le cheikh signale que c’est l’un des " amis de Dieu " qui se chargea de lui rappeler son vœu, tout en lui garantissant le succès de l’entreprise (ibid., I, p. 9).
8 D’après les données biographiques citées par M. Lings (Un saint soufi…, p. 67), elles-mêmes extraites de la Rawda du cheikh Adda.
9 Mawâdd, p. 17-18. M. Lings (op. cit., p. 67) rapporte également cette anecdote. Le cheikh Bûzîdî se rattacha au Maroc au cheikh Muhammad Ibn Qaddûr al-Wakîlî, qui était le second successeur de Moulay l-‘Arabî al-Darqâwî (m. 1823), véritable rénovateur de la Shâdhiliyya au Maghreb.
10 Quelques-uns de ces rêves ont été cités par M. Lings (op. cit., p. 71-74), mais on en trouve bien d’autres rapportés par le cheikh Adda Bentounès dans sa Rawda l-saniyya, dont celui qui suit.
11 Adda Bentounès, Rawda l-saniyya, p. 170.
12 Éric Geoffroy (Les voies d’Allâh, Paris, 1996,p. 56) signale aussi que " certains auteurs voient même en Abû Madyan le vrai initiateur de la Shâdhiliyya. " On peut également consulter à cet égard la Durrat al-asrâr d’Ibn al-Sabbâgh (cf. The Mystical Teachings of Al-Shadhili : Including His Life, Prayers, Letters, and Follower, trad. Elmer H. Douglas, State University of New York Press, 1993).
13 Cf. V.Cornell, The way of Abû Madyan, The Islamic Texts Society, Golden Palm Series, UK, 1996, p. 33.
14 Le cheikh al-‘Alawî, à propos de ce que doit être l’orientation du disciple et son rapport au monde, expose clairement dans ses Minah al-qudusiyya le fondement doctrinal de cet " isolationnisme " shâdhilî auquel doit se tenir tout adepte, tant qu’il n’a reçu aucune instruction en sens inverse : " Dieu a dit (6,153) : Ceci est Mon chemin droit, alors suivez-le et ne suivez pas les sentiers, car ils vous écarteraient de Son sentier, c’est-à-dire : ne t’intéresse à rien d’autre que cela. Et comment pourrait-il se tourner vers la création (khalq) celui qui a obtenu la vision de Dieu (al-Haqq) ? Celui qui contemple les demeures (manâzil) ne peut se satisfaire du fumier (mazâbil). Ne t’occupe pas de la politique des serviteurs (‘abîd), ô toi qui a connu l’Unique (al-Wahîd). Laisse les créatures à leur Créateur, qui les a créées et S’en est chargé alors qu’elles se trouvaient dans le ventre de leur mère. Il a le pouvoir de les "gérer" (sayyasa) durant le reste de leur vie. Demander à Dieu de t’occuper des affaires des créatures, pour les arranger, provient de ton manque de pudeur à Son égard. Si tu étais pudique, tu ne Lui demanderais pas de te charger d’un autre que toi-même, ce dont tu n’es même pas capable. " Cf. Ahmad al-‘Alawî, Minah al-qudusiyya, Beyrouth, 1986, p. 167.
15 Bien qu’il existe une chaîne de transmission reliant al-Shâdhilî à Abû Madyan, la silsila de la Shâdhiliyya ne procède pas " techniquement " de ce dernier, comme on peut le voir dans les chaînes de transmission que le cheikh al-‘Alawî, lui-même, et son maître al-Bûzîdî nous ont laissées dans leur Dîwân, en forme de poèmes(cf. p. 102-106 et 138-141). On sait également que plusieurs sources traditionnelles considèrent qu’Ibn Mashîsh, maître d’al-Shâdhilî, a reçu une initiation d’Abû Madyan sans l’avoir jamais rencontré physiquement. Cf. Zakia Zouanat, Ibn Mashîsh, maître d’al-Shâdhilî, Casablanca, 1998, p. 30.Curieusement, Abû Madyan et Ibn ‘Arabî entretiennent une forme de relation analogue ; en effet, bien que contemporains, et malgré l’importance qu’Ibn ‘Arabî reconnaît au maître sévillan, les deux hommes ne se sont jamais rencontrés physiquement. Abû Madyan est pourtant, on le sait, le personnage le plus fréquemment cité par Ibn ‘Arabî, qui se réfère constamment à lui par le titre honorifique de " maître des maîtres ". Cf. à cet égard l’article de Claude Addas, " Abû Madyan and Ibn ‘Arabî ", Muhyiddin Ibn ‘Arabî, a Commemorative Volume, Longmead Shaftesbury, Dorset, Element Books, 1993, p. 173. Dans son Rûh al-quds, Ibn ‘Arabî note qu’Abû Madyan lui fit parvenir le message suivant : " Concernant notre rencontre dans le monde subtil, il n’y a aucun doute : elle aura lieu. Mais quant à nous voir physiquement dans ce monde, Dieu ne le permettra pas. "
16 Vincent Cornell a traduit et publié (cf. op. cit.) les principaux textes qui lui sont attribués. On peut voir que ses écrits sont épars et que leur attribution ne va pas toujours de soi.
17 Concernant ce réseau de relations spirituelles, cf. la Risâla de Safî al-Dîn, introduction, édition et traduction par Denis Gril, Institut français d’archéologie orientale du Caire, 1986.
18 Cf. R. Brunschvig, La berbérie orientale sous les Hafsides,Paris, 1947, vol. II, p. 319.
19 Terry Graham, citant Cornell et d’autres auteurs, parle également des " influences exercées par les soufis orientaux, notamment ceux du Khorasan, sur Abû Madyan ". Cf. " Abu Madian : un sufí español representante de la gnosis del Jorâsân ", in Revista Sufí nº 3, 2002, p. 34-41.
20 Deux exemples éloquents permettent d’illustrer ce point : le Kitâb al-ibrîz sur le cheikh Dabbâgh (cf. Paroles d’or ; enseignements consignés par son disciple Ibn Mubârak al-Lamtî, préface, notes et trad. de l’arabe par Zakia Zouanat, le Relié, 2001) et les Lettres de Moulay l-‘Arabî al-Darqâwî (al-Darqâwî Rasâ’il, Abu Dhabi, 1999), traductions partielles par T. Burckhardt (Lettres d'un maître soufi, Milan, Archè, 1978) et M. Chabry (Lettres sur la Voie spirituelle, Saint-Gaudens, La Caravane, 2003).
21 Le cheikh précise qu’il a procédé ainsi après en avoir demandé intérieurement l’autorisation à l’auteur, et que ces changements sont justifiés par le fait qu’une hikma est une parole inspirée et indépendante des autres, ce qui n’est pas le cas dans un commentaire, qui a une fonction didactique et doit organiser les éléments en fonction de sa propre logique interne. Cf. Mawâdd, vol. I, p. 11.
22 Cornell, dans son ouvrage The way of Abû Madyan, en retient 164. S’agissant d’une oeuvre très appréciée dans les cercles soufis, il y a toujours eu de nombreuses copies manuscrites des Hikam en circulation.
23 Le connaissant " par " ou " de " Dieu, c’est-à-dire celui dont la forme de connaissance est d’ordre supra-rationnel. Pour la traduction des Mawâdd, nous avons opté pour ce mot qui nous semble moins chargé et moins problématique que le terme " gnostique ".
24 Il faut souligner ici que cet état d’occultation a une relation directe avec le " blâme " (malâma), terme très peu employé dans le soufisme shâdhilî au Maghreb. Le cheikh explique les principes de cette station, en particulier lors du commentaire de l’aphorisme suivant : " L’amour exclusif (ghayra), c’est que tu ne connaisses (personne) ni ne sois connu (de personne) " (Mawâdd, vol. II, p. 220-222), où il rapporte le propos suivant du maître de son maître, Muhammad Ibn Qaddûr, fortement empreint d’esprit malâmatî : " Lorsqu’ils nous cherchent, mus par l’idée de notre élection spirituelle, nous les fuyons et nous dissimulons dans l’ignorance, afin qu’aucun d’entre eux ne nous trouve et ne puisse nous causer du tort. " Sur cette présence de la malâmatiyya parmi les maîtres shâdhilîs au Maghreb, cf. la thèse doctorale de Kenneth Honerkamp, Ibn Abbad of Ronda (m. 702-1389), Letters of a Fourteenth Century Moroccan Sufi of the Shadhili Order, Study, Analysis, and Critical Edition, University of Georgia, Athens, 2000, récemment publiée par la maison d’édition libanaise Dar al-Machreq.