Puisque tu sais, toi l’aspirant, que Dieu, malgré l’immensité et l’élévation qui Le caractérisent, n’oublie pas de Se souvenir de toi à chaque fois que tu te souviens de Lui, et ce, alors même que tu es insignifiant et négligeable en regard de Son immensité, comment pourrais-tu, toi, négliger de te souvenir de Lui ? Bien au contraire, tu te dois de te concentrer sur son souvenir, conformément à Sa Parole : Souvenez-vous de Moi, Je Me souviendrai de vous (2, 152). L’un d’eux disait en ce sens :
Allâh, Allâh, je L’invoque en évoquant :
" Souvenez-vous de Moi, Je Me souviendrai de vous ", qui m’illumine.
La tradition rapporte que Moïse avait secrètement demandé à Dieu : " Ô Seigneur, es-Tu éloigné, de sorte qu’il nous faille T’interpeller, ou bien es-Tu proche, de sorte qu’un chuchotement suffise ? "
Ô Moïse, lui fut-il répondu, J’accompagne celui qui M’invoque et suis avec lui au moment même où il se souvient de Moi !
Dans une tradition sanctissime, Dieu a dit : " Lorsque Mon serviteur Me mentionne en lui-même, Je le mentionne en Moi-même et lorsqu’il Me mentionne dans une assemblée, Je le mentionne dans une assemblée meilleure que la sienne. " Si tu es bien convaincu de tout cela, penses-tu que quelque chose puisse remplacer ce souvenir grâce auquel Dieu te mentionne en Lui-même et dans l’Assemblée suprême parmi Ses anges ? Peut-il y avoir plus grande grâce ? Celui qui ne s’adonne pas au souvenir s’expose à en subir les conséquences, et ton Seigneur n’est pas injuste avec Ses serviteurs (41, 46).
Sache que l’invocation (ou le souvenir) est la porte la plus large et la voie la plus facile pour arriver à Dieu. Ainsi, lorsque Dieu accorde à un serviteur de L’invoquer et lui facilite cette pratique, c’est qu’Il l’a déjà autorisé à entrer en Sa Présence. On dit en effet que " le souvenir, c’est l’annonce de la sainteté. "
L’invocation est la meilleure porte d’accès
Par laquelle tu puisses chez Dieu entrer.
Alors fais que chacune de tes respirations
Soit une sentinelle de l’invocation.
L’imam Qushayrî dit que " l’invocation est l’annonce de la sainteté, le flambeau de l’union, la preuve de l’aspiration, le signe d’un bon départ dans la voie et l’indice que le terme en a été atteint de façon pure. " Parmi l’ensemble des bonnes œuvres, rien, selon ce que nous dit la tradition, n’est supérieur à l’invocation. Et s’il n’existait à ce sujet que la tradition suivante du Prophète : " Celui qui invoque est en compagnie de Dieu ", cela suffirait à nous convaincre de l’excellence et des vertus de l’invocation. Ainsi, celui qui souhaite que Dieu le " mentionne " à ceux qui sont auprès de Lui doit s’adonner à l’invocation. Celui qui souhaite que Dieu le reconnaisse en présence de Ses anges et soit fier de lui, parmi toutes Ses créatures, doit Lui être reconnaissant.
Eh serviteur, Dieu agira avec toi comme tu agis avec Lui, car Il a dit : " Ô Mon serviteur, conforme-toi à Ma volonté, et Je serai tel que tu le souhaites. Obéis-Moi, et Je te rendrai capable de simplement vouloir quelque chose pour que cela soit. "
Nous allons maintenant citer quelques traditions qui parlent des vertus de l’invocation, afin de motiver plus encore notre lecteur. Mu‘âdh Ibn Jabal rapporte que la dernière conversation qu’il eut avec le Prophète fut la suivante : " Quelle est l’œuvre préférée de Dieu ? " demandai-je.
Que ta langue ne cesse d’être " humide " au souvenir de Dieu, répondit le Prophète.
Dans une autre tradition, ce dernier a dit : " Tout chose se polit, et pour polir le cœur, il faut invoquer Dieu. Rien n’est plus efficace que le souvenir pour se prémunir contre le châtiment de la tombe. " Quelqu’un lui demanda : " Pas même le jihâd pour Dieu ? "
Non, à moins de combattre jusqu’à briser son épée.
Une autre version de cette tradition finit ainsi :
Non, et quand bien même on combattrait jusqu’à briser son épée.
Selon une autre tradition, le Prophète a dit : " Voulez-vous savoir quelle est la meilleure œuvre que vous puissiez faire, la plus pure aux yeux de votre Souverain, celle qui vous élèvera le plus et vous sera plus profitable que de donner en aumône or et argent ou de combattre vos ennemis jusqu’à les décapiter ou qu’ils vous décapitent ? "
Dis-le nous, ô envoyé de Dieu, s’écrièrent les compagnons !
Le souvenir de Dieu, répondit ce dernier.
Il a également dit : " Celui d’entre vous qui n’arrive pas à veiller en prière la nuit, à donner son argent en aumône, à combattre courageusement les ennemis dans la voie de Dieu, qu’il multiplie le souvenir de Dieu, car le serviteur n’échappe aux griffes de Satan qu’en se souvenant de Dieu. "
Il a encore dit : " Multipliez l’invocation de Dieu jusqu’à ce qu’on dise : "C’est un fou !" "
Ou encore : " Multipliez l’invocation de Dieu jusqu’à ce que les hypocrites disent : "C’est de l’ostentation !" "
Alors qu’il faisait l’éloge des " esseulés ", quelqu’un lui demanda : " Qui sont-ils, ces esseulés, ô envoyé de Dieu ? "
Les esseulés sont ceux qui invoquent beaucoup Dieu, répondit-il.
Dans une autre version, il dit que " les esseulés, ce sont ceux qui remuent (al-muhtazzûna) au souvenir de Dieu. Le souvenir les décharge de leur fardeau, de sorte qu’ils se présenteront au jour de la résurrection libres de toute charge. " On peut noter au passage que cette tradition autorise ceux qui sont épris du souvenir, parmi les gens du soufisme, à remuer en invoquant. C’est également ce dont témoigne une autre version légèrement différente de cette tradition : " Les esseulés, ce sont ceux qui remuent au souvenir de Dieu. Le souvenir les libère de leurs charges et de leurs fautes, de sorte qu’ils seront légers au jour de la résurrection. " On a dit, à propos de cette tradition, que ceux qui " remuent " (al-muhtazzûna) sont ceux qui sont passionnés par le souvenir de Dieu, qui ne cessent jamais de le pratiquer, et ne prêtent aucune attention à ce qu’on dit ou fait d’eux : il s’est installé en leur cœur, à tel point qu’ils le manifestent involontairement. À ce sujet, Shiblî a écrit ces vers déjà cités :
Je me rappelle de Toi et ne T’oublie pas même un instant.
Le souvenir le plus simple est celui de la langue.
J’ai même failli mourir de passion, ébahi et le cœur battant,
Sans même qu’il ne s’agisse d’une extase.
Et quand l’extase me fit voir que Tu étais présent,
Je contemplai Ton Être en tout lieu.
Je m’adressai alors à ce Présent sans parler,
Et observai cette Évidence sans regarder.
On a déjà vu plus haut qu’" il n’aime pas, celui qui ne remue pas au souvenir du Bien-Aimé. " Le Prophète a dit : " Celui qui aime une chose ne cesse de la mentionner. " Ainsi, leur passion pour l’invocation prouve leur amour pour l’Invoqué.
En résumé, les gens qui pratiquent l’invocation s’approprient ce qu’il y a de meilleur, conformément à ce qui ressort de l’histoire suivante. Un jour, Abû Bakr dit à ‘Umar : " Ô Abû Hafs, les gens de l’invocation s’approprient ce qu’il y a de meilleur ! "
Effectivement, acquiesça l’Envoyé qui se trouvait là.
Le Prophète a dit : " Entre celui qui donne son argent en partage et celui qui invoque Dieu, c’est ce dernier qui est le meilleur. " Umm Sulaym rapporte que le Prophète lui a dit : " Multiplie l’invocation de Dieu, car rien ne Lui plaît plus que de voir quelqu’un L’invoquer beaucoup. "
Il résulte de toutes ces citations que l’invocation du Nom de Dieu est la meilleure œuvre qui soit : La prière éloigne l’homme de la turpitude et des actions blâmables, mais le souvenir de Dieu est ce qu’il y a de plus grand (29, 45).
J’ai écrit en ce sens :
Moi, lorsque j’invoque mon Seigneur,
Je tremble du désir de Le rencontrer.
Ma vie est plaisante et mon cœur illuminé
Grâce à l’invocation de mon Seigneur.
Seul a goûté à l’amour celui qui comprend
Quelque chose de l’union ou la connaît réellement.
Quelle réussite que celle de ceux qui ont réussi
Par Dieu et ne voient en toute chose que Lui !
Les bénéfices que l’on retire de l’invocation sont innombrables, mais il suffit de rappeler que Dieu a préparé pour ceux qui s’y adonnent un pardon et une récompense immense (33, 35).
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