Ce
« recueil de visions » intègre une sélection de 56 visions
relatives au cheikh. Il est certain que le document manuscrit dont il
est extrait est bien antérieur à la publication de la Rawda
du
cheikh Adda Bentounès en 1936. Voici ce que dit un secrétaire du
cheikh en 1925 à propos de ce recueil : « Tous les disciples de la
tarîqa
Alawiyya
ont au cours de leur sommeil des visions par lesquelles Dieu leur
apporte une confirmation [sur le cheikh Alawî et/ou la voie]. J’ai
vu à Mostaganem un ensemble d’écrits rassemblant les visions des
disciples, à quelques milieux qu’ils appartiennent, et n’importe
laquelle de ces visions est une confirmation suffisante pour celui
qui la reçoit (cf. Ibn ‘Abd al-Bârî, Shahâ‟id,
op.
cit.,
p. 201-202). Cf. également ibid.,
p. 206-207, à propos de Muhammad b. Hamû b. Jawhara, cadi de l’une
des tribus des Qli‘a dans la région de Melilla, dont une vision
est effectivement reprise dans la Rawda : « J’ai vu un certain
nombre de ses visions retranscrites qui concernaient le cheikh Alawî,
elles se trouvent aujourd’hui consignées dans le Dîwân
des
visions. »
1
Pendant mon
sommeil, peu de jours avant la mort de notre Maître, Sîdî Muhammad
al-Bûzîdî, je vis quelqu’un entrer dans le lieu où j’étais
assis et je me levai par respect pour lui, saisi de crainte en sa
présence. Puis, quand je l’eus prié de s’asseoir et que je me
fus assis en face de lui, il m’apparut clairement que c’était le
Prophète. Je me
faisais des reproches pour ne l’avoir pas honoré comme j’aurais
dû le faire, parce qu’il ne m’était pas venu à l’esprit que
c’était lui, et je restais là, assis, ramassé sur moi-même, la
tête baissée, jusqu’à ce qu’il me parlât, disant : « Ne
sais-tu pas pourquoi je suis venu vers toi ? » Je répondis : « Je
ne vois pas, ô envoyé de Dieu. » Il dit : « Le sultan de l’Orient
est mort, et toi, si Dieu veut, tu
seras sultan à sa place.
Qu’en dis-tu ? » Je
dis : « Si j’étais investi de cette haute dignité, qui
m’aiderait et qui me suivrait ? » Il répondit : « Je serai avec
toi et c’est moi qui t’aiderai. » Puis il resta silencieux et,
après un moment, il me quitta ; je m’éveillai sur les traces de
son départ et c’était comme si, tandis qu’il s’en allait,
j’avais eu le dernier aperçu de lui, les yeux ouverts et éveillé1.
2
Le jour où les
disciples se réunirent et désignèrent le cheikh Alawî comme
successeur du cheikh Bûzîdî, je vis ce dernier en rêve
extrêmement réjoui et il me dit : « Que Dieu vous
bénisse pour ce que vous avez fait. Continuez ainsi2. »
3
Après la mort
du cheikh, je vis un groupe d’hommes, parmi lesquels il y avait des
disciples de notre confrérie, qui discutaient de sa succession.
Quand la discussion devint plus polémique, l’un d’eux dit :
« Allons voir le cadi, et il tranchera. Quand nous le
rejoignîmes, nous vîmes qu’il s’agissait d’un homme imposant
et plein de dignité. Il demanda ce que nous voulions. Nous le lui
dîmes et il nous fit signe d’entrer dans un certain lieu.
Lorsqu’il commença à parler, l’une des personnes dit :
« Il n’y a pas besoin de discuter beaucoup concernant cette
affaire, car Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa est celui à qui revient cette
station, du fait qu’il en est digne et de sa grande compétence. Il
n’y a pas besoin d’une consultation à cet effet ni de l’avis
de qui que ce soit dans les mondes. » D’autres dirent :
« C’est vrai ! Mais le moqaddem Sîdî b. ‘Awda b.
Slimân a la précellence en la matière, et il est donc nécessaire
de prendre son avis ! » Tous les autres furent d’accord
avec cela3. »
4
Après
l’enterrement du cheikh Bûzîdî, les cœurs restaient dans
l’attente… Alors que je dormais cette nuit-là, je le vis en
songe tout en sachant qu’il était mort. Je lui demandais comment
ça allait et il me répondit : « Je suis dans la
miséricorde de Dieu. » Puis je lui demandai : « À
qui laisses-tu les disciples, Sîdî ? » Il me répondit :
« Le rameau, c’est moi qui l’ai planté, mais c’est Sîdî
Ahmad b. ‘Alîwa qui récoltera les fruits, si Dieu le veut4. »
5
En rêve, je me
voyais partir visiter la tombe de Sîdî Muhammad al-Bûzîdî.
Lorsque j’y arrivai, je le trouvai assis là ; il avait belle
prestance et tenait un verre de thé à la main. Il me le tendit. Je
me mis à lui poser des questions, et lui demandai notamment :
« Parle-moi de cette voie dans laquelle nous sommes. »
Ne
pense pas que ton maître soit un maître comme les autres. Par
Dieu, les murailles elles-mêmes remuent devant lui.
Il voulait
parler du cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa. Je lui posai encore une
question. « Ne te laisse pas gagner par tes propres illusions :
le remplaçant est exactement semblable à celui qu’il remplace,
dit-il en pointant son doigt vers lui-même. » Je me levai
alors, enfin rassuré, louange à Dieu5 !
6
Dans mon
sommeil, je me vis aller faire une visite à la zaouïa du cheikh
Sîdî Muhammad al-Bûzîdî ; cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa
était assis à côté de la tombe qui était ouverte. Je vis le
corps du mort s’élever jusqu’à ce qu’il fût au niveau de la
surface de la terre. Alors cheikh Sîdî Ahmad alla retirer le
linceul de son visage et le cheikh était là, d’une parfaite
beauté. Il demanda à cheikh Sîdî Ahmad de lui apporter de l’eau
et, quand il eut bu, il me donna ce qui restait ; alors je commençai
à dire aux fuqarâ’
: « Dans ce
reste d’eau laissé par le cheikh, il y a un remède pour toute
maladie. » Puis il se mit à parler avec cheikh Sîdî Ahmad,
et la première chose qu’il lui dit fut : « Je serai avec toi
partout où tu seras, n’aie donc pas de crainte et je te donne
l’assurance que tu es parvenu au meilleur de ce monde et de
l’autre. Sois bien sûr que, où que tu sois, j’y serai aussi. »
Alors cheikh Sîdî Ahmad se tourna vers nous et dit : « Le cheikh
n’est pas mort. Il est tel que vous le voyez maintenant, et la mort
dont nous avons été témoins était seulement un rite qu’il
devait accomplir6. »
7
Après la mort
du cheikh Sîdî Muhammad al-Bûzîdî, j’étais préoccupé au
sujet de la confrérie et de celui auquel il reviendrait de la
diriger. Cette nuit-là, je me vis en rêve aller à la boutique du
moqaddem Sîdî l-Hâjj b. ‘Awda b. Slîmân pour lui demander à
qui revenait la fonction (« station ») du cheikh. Il me
répondit : « Celui qui reprendra la fonction de cheikh
est Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa. » Plus tard, je racontai cette
vision à Sîdî l-Hâjj b. ‘Awda b. Slîmân qui me dit :
« Oui, il en est bien ainsi7. »
8
[Un membre de
la famille d’al-Hâjj Muhammad al-Sûsî] raconte : « Je vis
le cheikh Sîdî Muhammad al-Bûzîdî frapper à la porte de ma
maison. Lorsque j’allai lui ouvrir et l’accueillir, je vis que la
porte était ouverte. Le cheikh entra, et il y avait avec lui un des
amis, très grand et maigre. Il me vint à l’idée que c’était
Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa. Lorsqu’ils furent assis, le cheikh Sîdî
Muhammad al-Bûzîdî se leva comme s’il voulait partir. Quelqu’un
lui dit : « Si tu pars, qui nous laisses-tu ? »
Il répondit : « Je vous laisse celui-là »,
désignant de sa main le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa8.
9
Après la mort
du cheikh Sîdî Muhammad al-Bûzîdî, je vis en rêve une foule de
gens avançant sur la route, tandis que le cheikh Sîdî Ahmad b.
‘Alîwa se tenait au milieu d’eux. Je me trouvais derrière eux
et me mis à crier : « Le profit est assuré à celui qui
se place derrière Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa et donne une dot anodine
et sans complication9. »
10
Je vis le
cheikh Sîdî Muhammad al-Bûzîdî après sa mort et lui dis :
« Ô Sîdî, tu es parti pour l’autre monde et nous as laissé
dans l’embarras. Nous ne savons qui suivre après toi ! »
Il répondit : « C’est Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa l’homme
de la situation. » Je me levai alors tout réjoui10.
11
Après la mort
du cheikh Sîdî Muhammad al-Bûzîdî, il me vint à l’esprit de
rester indépendant et de ne suivre personne d’autre que lui. Une
nuit, en rêve, je le vis venir vers moi avec deux énormes morceaux
de lin. Il me dit : « Prends cela pour te couvrir ! »
Je lui dis : « Mais qui me taillera avec cela un
vêtement ? » Il répondit : « Sîdî Ahmad b.
‘Alîwa te confectionnera ce que tu souhaites11. »
12
Je vis l’Imam
‘Alî et il me dit : « Sache que je suis ‘Alî et que votre
tarîqa
est Alawiyya », comme s’il faisait allusion, en la nommant
ainsi, à lui-même12.
13
Je vis Sîdî
Ahmad b. ‘Alîwa en train de préparer de la nourriture pour une
grande réunion. Il me demandait d’aller au marché et de lui en
rapporter des aliments. Après cela, il me prit par la main, et
m’emmena à un endroit que je connaissais mais qui n’avait pas la
même apparence que d’habitude. Nous trouvâmes en chemin d’énormes
pierres sur la route, et sous chaque pierre il y avait une source
dont jaillissait de l’eau. Il me demanda d’en agrandir l’orifice
afin de faciliter l’écoulement de l’eau, et d’en assurer
l’entretien afin que son goût ne s’altère pas et qu’elle ne
change pas de couleur. À chaque fois qu’il m’ordonnait quelque
chose, je levais le regard vers lui, et voyait alors devant moi un
homme très grand, si grand que s’il ne s’était pas incliné
vers moi pour me parler, mon regard n’aurait pu se poser sur sa
tête13.
14
Je vis le
cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa assis juste dans le disque solaire,
au quatrième ciel, les mains posées sur les genoux, comme s’il se
recueillait en lui-même. À ses pieds, il y avait un ruisseau qui
courrait. Il tenait à la main un godet blanc décoré de trois
filaments verts incrustés, et donnait à boire aux gens. Sîdî Abû
Madyan al-Ghawth, qui se trouvait à sa droite, et Abû l-’Abbâs
al-Mursî, qui se tenait à sa gauche, lui disaient :
-- Donne-leur
à boire, Ahmad, car tu es le seul échanson de cette époque14.
15
Je me voyais
moi-même au milieu de la vallée de la ville de Tlemcen, qui était
remplie d’une immense foule ; ces hommes attendaient la descente de
Jésus du ciel. Or voici qu’un homme en descendit effectivement, et
on en disait : « C’est lui Jésus ! » Or quand mon
regard tomba sur lui je trouvai que c’était Sîdî Ahmad b.
‘Alîwa15.
16
Je vis certains
des dormants de la Caverne, qui étaient en compagnie de leur chien,
Qitmîr. Je leur demandai pourquoi ils en étaient sorti. Ils
répondirent : « Dieu nous a réveillés afin que nous
assistions la tarîqa
Alawiyya16. »
17
Je me mis à
réfléchir aux destinées de la tarîqa.
Alors que j’étais dans cet état d’extrême préoccupation, je
m’assoupis. Je vis alors le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa
debout. Il était d’une taille immense, à tel point qu’il
occupait l’ensemble du monde. Je fus alors absolument certain que
sa renommée s’étendrait aux deux Orients17.
18
Récemment, je
me suis vu entrer dans une mosquée immense, y trouvant un très
grand nombre de disciples ainsi que d’autres gens. Je demandai
alors où se trouvait le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa, et on me
répondit : « Tu le trouveras dans ce mihrâb
devant toi sur un tapis vert. » Je me mis à fendre les rangs,
sur quoi un homme m’interpella : « Où vas-tu ? »
Je répondis : « Je veux rendre visite au cheikh, car cela
fait un moment que je ne l’ai pas vu. » J’allai jusqu’au
mihrâb,
et trouvai le cheikh en train d’admonester les gens. Un homme dit
alors : « Levons-nous et allons accueillir les maîtres de
notre chaîne spirituelle. » Nous sortîmes et les trouvèrent
en fait qui venaient eux-mêmes vers nous. Nous les saluâmes, et ils
nous rendirent notre salut. Nous ne pûmes leur serrer la main, du
fait qu’il y avait une multitude de personnes. Ils avaient tous la
même apparence, sauf un qui avait les cheveux blancs. Il leva les
mains et dit : « Regardez ces gens ! » en
désignant les maîtres de la chaîne spirituelle. « Je suis le
plus noble et le plus élevé d’entre eux ! » dit-il,
puis il désigna de la main le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa et
dit : « Celui-là m’est supérieur ! Quant à moi,
je suis Abû Madyan enterré à Tlemcen. » À ce moment, la
‘imâra
commença et chacun fut saisi de l’état spirituel qui lui
correspondait. Puis, les gens commencèrent à prendre la baraka
du cheikh [al-’Alawî]. Je n’en reconnus aucun, à part Sîdî
Abû Madyan, Moulay al-‘Arabî al-Darqâwî et Sîdî Muhammad
al-Bûzîdî, que Dieu soit satisfait d’eux tous18.
19
Après m’être
rattaché à la tarîqa
Alawiyya, je vis au tombeau de Sîdî Abû Madyan un groupe de
fuqarâ’.
Après avoir terminé notre visite, nous retournâmes à Tlemcen ;
c’était la nuit, et j’avais à la main une lanterne, éclairant
ainsi la route en marchant devant le cheikh [Alawî]. Lorsque nous
arrivâmes au tombeau de Sîdî Abû Ishâq al-Tayyâr, il sortit de
sa tombe pour rendre visite au cheikh. Trois de ses voisins lui
dirent : « Qu’est-ce qui t’arrive ! Tu nous as
effrayés ! L’Heure est-elle arrivée ? » Il
répondit : « Non ! Mais je me suis levé pour rendre
visite à Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa. » Les trois lui dirent :
« Eh bien, nous aussi, levons-nous pour lui rendre visite avec
toi ! » Lorsqu’ils se présentèrent devant le cheikh,
Sîdî Abû Ishâq leur dit : « Voici celui qui a ouvert
pour nous une zaouïa à Tlemcen ! » C’est alors qu’une
calèche arriva pour les transporter ; ils y montèrent et je
m’en fus avec eux19.
20
Après m’être
rattaché à la tarîqa,
je vis une nuit en rêve le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa. Je me
trouvai derrière lui. C’est alors que les arbres et les pierres se
mirent à le saluer. Un homme s’approcha de moi et me dit :
« Je viens de voir que les arbres et les pierres saluent cet
homme ; respectez-donc votre pacte, et agissez selon ses
indications20. »
21
J’étais un
peu angoissé à cause des gens qui critiquaient la tarîqa.
Cette nuit-là, je me vis en rêve en dehors du monde, dans un espace
vide illimité. Je vis une lumière rouge d’une forme
extraordinaire qui apparaissait. J’entendis alors une voix qui
disait : « Cet endroit est celui par lequel est entré
Moulay ‘Abd al-Qâdîr al-Jîlânî. » Puis apparu une
lumière jaune, de la même façon que la précédente, si ce n’est
que la première avait plus d’intensité. J’entendis encore une
voix qui disait : « Cet endroit est celui par lequel est
entré le cheikh al-Khansâlî. » Puis apparut une lumière
blanche d’intensité plus forte que les deux précédentes, et la
même voix dit alors : « Cet endroit est celui par lequel
est entré le cheikh Sîdî Ahmad al-’Alawî21. »
22
J’ai vu nos
suzerains Hasan et Husayn dialoguer devant l’envoyé de Dieu. Je
les étreignis et les embrassai, puis leur dis : « Ô vous qui
pouvez intercéder, ô vous les enfants de l’envoyé de Dieu,
intercédez en notre faveur ! » Fâtima se trouvait devant eux,
et Khadîja était à côté. Lorsque j’insistai pour qu’ils
intercèdent, ils me répondirent : « Tu trouveras ce que tu
cherches auprès d’Ibn ‘Alîwa, car il sert avec nous et nous
assiste pour de telles choses22. »
23
Je vis un
groupe d’hommes qui informaient de la descente de Jésus et qui
affirmaient qu’il était descendu et qu’il avait dans sa main un
sabre de bois ; il frappait la pierre avec, et celle-ci se
transformait en homme ; il frappait avec la bête et celle-ci
devenait être humain.
Or je connaissais
cet homme descendu du ciel et j’étais en relations épistolaires
avec lui ; il m’écrivait et je lui écrivais. Je me préparai
donc à le rencontrer, et lorsque je le trouvai je constatais que
c’était le cheikh Sidî Ahmad al-Alawî, sauf qu’il avait
l’aspect d’un médecin qui traitait les malades et qui était
aidé par plus de soixante hommes23.
24
J’ai vu le
cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa ressemblant à la (pleine) lune la
nuit de la bataille de Badr. J’en fus ébahi et lui demandai :
« Pourquoi Dieu ne t’a-t-il pas donné cette apparence pour
les gens en ce monde ? » J’entendis alors une voix
dire : « C’est un trésor occulté jusqu’au jour de la
Résurrection24. »
25
Un des fuqarâ’
nous a raconté
qu’il avait vu la lune fendue en deux moitiés ; une planche
(lawha) suspendue
à des chaînes en descendit, qui ne cessait de s’approcher de la
terre jusqu’au moment où elle fut près de toucher le sol. Or
voici qu’apparut en haut de cette planche le maître (le cheikh
al-‘Alawî) et avec lui Seyyidnâ Aïssâ (Jésus). Un héraut se
leva et cria : « Qui veut voir Jésus avec le maître suprême ? Les
voici qui sont descendus du ciel ! Empressez-vous donc ! » La
terre trembla alors violemment, avec tous ses habitants, et toutes
les créatures se rassemblèrent et demandèrent de monter avec le
Maître sur cette planche. Il leur répondit : « Restez en attente !
Nous reviendrons chez vous ! »25.
26
J’allai voir
le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa dans sa zaouïa de Mostaganem et
pris le rattachement avec lui. La nuit même, je me vis en songe chez
moi. Un homme arrivait monté sur un cheval. Il portait un vêtement
blanc. Les gens se bousculaient pour prendre sa baraka
en le touchant. Je demandai : « Qui est cet homme ? » On me
dit : « C’est l’envoyé de Dieu ! » Je m’approchai alors
et me rendis compte qu’il s’agissait du cheikh Sîdî Ahmad b.
‘Alîwa. Je dis alors aux gens : « C’est le cheikh auquel je me
suis rattaché à Mostaganem. » Ils me répondirent : « C’est
l’envoyé de Dieu », dans le sens qu’il est son calife.
Puis le cheikh m’étreignit et me dit : « Est-ce toi qui est
venu me voir à notre zaouïa ? » Je lui répondis que oui26.
27
Je vis l’envoyé
de Dieu, ainsi que Gabriel qui se trouvait auprès de lui sous une
apparence humaine. Le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa était avec
eux. L’un d’eux dit : « Nous devons voler dans les airs. »
Le maître dit à l’envoyé de Dieu : « À toi l’honneur, toi
qui m’es supérieur ! » L’envoyé de Dieu dit à Gabriel :
« À toi plutôt l’honneur, toi qui m’es supérieur car tu as
pris forme humaine devant moi ! » Puis les trois s’envolèrent,
et moi je volais avec eux. Quand nous attînmes une hauteur extrême,
je dis au maître : « Mes ailes pèsent trop lourd pour cet air ! »
Il me répondit : « Tu dois alléger ta nature humaine, car cette
station est celle de l’Esprit (al-rûh)27. »
28
Je vis les gens
en train de partir pour la visite de la Maison sacrée de Dieu. Je
rejoins ce groupe. Lorsque nous montâmes dans le train, je vis qu’il
prenait la direction de l’Occident, et m’en étonnai. Je dis
alors à ceux qui étaient là : « Mais la Maison sacrée
de Dieu se trouve du côté de l’Orient ! Pourquoi le
train part-il dans la direction inverse ? » Ils me
répondirent : « Ne sais-tu pas que la Maison a changé
d’emplacement et qu’elle se trouve à l’Occident, auprès du
cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa ? »28.
29
J’habitais
Borj-Bou-Arréridj. Je connaissais un homme riche qui ne savait rien
de la prière ou de l’orientation rituelle. Puis il mourut, et la
nuit-même, je vis en songe un ange qui descendait du ciel. Je lui
demandai qui il était. Il me dit : « Je viens de
l’Assemblée suprême. » Je lui dis : « Où
est-elle ? » Il répondit : « Dans le degré de
la surabondance. » Puis il me dit : « Il ne te
convient pas de me connaître ; fais silence, car voici les
anges qui descendent du ciel ! » Effectivement, j’entendis
à ce moment un vrombissement dans l’air. » Je
demandai : « Qui sont ces anges ? » Il
répondit : « Ce sont l’ange de la droite et l’ange de
la gauche, et avec eux il y a le noble maître al-‘Alawî :
ils sont venus témoigner en faveur d’Untel qu’il est musulman,
car si le maître al-‘Alawî ne témoigne pas en faveur de
quelqu’un, il est peu probable qu’il soit accepté29. »
30.
Après la mort
de cheikh Sîdî Muhammad al-Bûzîdî, j’eus une vision : j’étais
au bord de la mer et tout près de là il y avait un énorme bateau
au centre duquel se trouvait un minaret ; là, sur la tourelle la
plus élevée, était cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa. Alors un
crieur appela : « Ô gens, venez à bord du bateau. » De
toutes parts, ils vinrent à bord jusqu’à ce qu’il fût plein,
et chacun d’eux savait bien que c’était le bateau de cheikh Sîdî
Ahmad ; quand il fourmilla de passagers, j’allai vers le cheikh et
lui dis : « Le bateau est plein. Es-tu capable d’en prendre
la charge ? » Il répondit : « Oui, j’en prendrai la
charge avec la permission de Dieu30. »
31
Avant de
connaître le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa, j’étais persuadé
que mon âme était perdue et que le feu m’était destiné au jour
de la Résurrection, à cause de toutes mes mauvaises actions et
grands péchés. Lorsque je pris le rattachement avec lui à Tunis,
il me dit : « Maintenant, si Dieu veut, tu seras au nombre
des sauvés ! » Ca me parut assez improbable dans mon cas.
La nuit-même, je me vis en songe au milieu d’une assemblée
d’hommes pieux, et chacun me désignait du doigt. Ils disaient
tous : « Voici un homme du paradis au milieu de nous ! »
Lorsque je me réveillai, j’acquis la certitude que le cheikh avait
dit vrai. Puis une autre nuit, je le vis : il me prit par la
main et m’emmena quelque part. Lorsque nous entrâmes dans ce lieu,
il demanda au propriétaire de lui amener un registre dans lequel
étaient consignés les noms des damnés. Il le prit et y trouva mon
nom, qu’il effaça. Puis il prit un livre qui se trouvait dans son
vêtement, et y inscrit mon nom. Il me dit alors : « Voilà !
Nous avons effacé ton nom du registre des damnés et l’avons
inscrit dans celui des sauvés31 ».
32
Je vis en songe
le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa en train de parler de réalités
spirituelles très étranges, tandsi que les gens l’écoutaient en
silence. C’est alors que mon père Sîdî Sâdiq al-Sahrâwî
arriva. Le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa se leva pour le saluer
d’une façon appuyée, puis le fit asseoir face à lui. Lorsqu’ils
furent tous deux assis, mon père se tourna vers le cheikh Sîdî
Ahmad b. ‘Alîwa et lui dit : « Si ta mission est
authentique, alors disparais à tes sens ! » C’est alors
qu’il disparut à ses sens ; le lieu où nous nous trouvions
se désintégra et des rayons l’illuminèrent, tandis que toutes
les personnes présentes se mirent à remuer. Mon père se leva et se
mit à marcher dans ce lieu tout en disant : « Par Dieu,
cela est la vérité évidente ! Peut-on critiquer un tel
homme ? » Puis il dit : « Celui qui ne suit pas
ses indications n’a rien de bon. » Puis je le questionnai au
sujet de ces rayons et de la désintégration de la pièce. Il
répondit : « Les rayons sont ceux de la réalité
spirituelle, car lorsqu’elle se manifeste à des gens, elle produit
sur eux ce que tu as vu. » Puis, le cheikh Sîdî Ahmad b.
‘Alîwa revint à lui et repris son propos32.
33
J’ai vu Sîdî
Ahmad b. ‘Alîwa nous faire signe de le suivre. Je le suivis donc
et il plongea dans une mer de lumière ; je lui emboîtai le pas
jusqu’à ce qu’il s’arrêtât auprès du Noble Tombeau. La
tombe se fendit alors, le Prophète en sortit, et le cheikh lui donna
l’accolade un certain temps. Puis il me prit par la main et m’amena
aux côtés du Prophète. Je me mis à embrasser son vêtement et
lorsqu’il s’assit, le cheikh me fit asseoir devant lui. Puis il
me fit signe de m’asseoir sur les genoux du Prophète. N’osant
pas, je restai en arrière, et la même scène se répéta plusieurs
fois. Il entreprit alors de me mettre en confiance et je finis par
faire ce qu’il m’ordonnait. Je me mis à pleurer et à prendre la
baraka
[du Prophète] en touchant son vêtement. Puis le cheikh lui demanda
de me guérir, et le Prophète passa sa main sur ma tête. Lorsque je
voulus partir, le cheikh conclut : « Ne me désobéis plus
jamais ! »33.
34
J’ai vu le
Maître, Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa, qui m’ordonna d’entrer en
retraite spirituelle. Je le fis donc, puis il vint avec le sceau de
l’envoyé de Dieu et me marqua entre les épaules. Ensuite, il me
le donna et je le pris. C’est alors que le cheikh Sîdî ‘Abd
al-Qâdir al-Jîlânî tenta de me le prendre de force, mais je l’en
empêchai et il ne put me l’enlever34.
35
Lorsqu’on
lui demanda pourquoi il s’inclinait devant (rudhûkh)
le cheikh Alawî,
le grand
connaissant, le saint de Dieu, le cheikh Qaddûr Ibn ‘Ashûr
al-Idrîsî de Nedroma répondit :
« Lorsque je rencontrai le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa à
Tlemcen, je ne fis pas a
priori la
différence avec les autres fuqarâ’.
Mais lorsque nous fîmes la prière avec lui pour imam, je vis une
porte s’ouvrir dans son dos et aperçus alors la Ka‘ba.
Deux jours après, je vis l’envoyé de Dieu me dire : “Si tu es
vraiment mon enfant, alors tu dois suivre cet homme, désignant de sa
main bénie le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa35”. »
36
J’entendis
parler du cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa : certains disaient
qu’il était le maître de notre époque et d’autres le
contraire. J’étais donc dans le doute. Je fis la prière de
demande du meilleur parti, et me vis en rêve dans une région que je
ne connaissais pas et qui était pleine de gens. Je vis un homme dont
je savais qu’il était mort. Je lui demandai : « Qu’est-il
arrivé : n’étais-tu pas mort ? » Il me répondit :
« Un médecin est apparu en Orient, et celui qui n’est mort
que de la première mort, il le ressuscite, mais pas celui qui est
mort de la seconde mort. » Je me réveillai alors tout en étant
certain que le médecin n’était autre que le cheikh Sîdî Ahmad
b. ‘Alîwa36.
37
Je fréquentais
le connaissant par Dieu, Sîdî Muhammad al-Lamûshî pendant
longtemps. Après sa mort, j’entendi parler du cheikh Sîdî Ahmad
al-’Alawî. La nuit, je me vis en rêve dans une région que je ne
connaissais pas. Les gens étaient en train de choisir parmi deux
candidats à la station de secours suprême (ghawthiyya) :
l’un était le cheikh Sîdî Muhammad al-Lamûshî et l’autre le
cheikh Sîdî Ahmad al-‘Alawî. Je votai moi-même pour le premier.
Lorsque le vote fut terminé, on annonça que le détenteur de la
station était le cheikh Sîdî Ahmad al-‘Alawî. J’en fus peiné
et me dis en moi-même : « Voilà maintenant que le cheikh
[al-‘Alawî] va être courroucé contre moi parce que je ne
l’ai pas béni ! » Or, voici qu’il arriva et me donna
l’accolade tout en disant : « Ne sois pas triste, mon
fils ; ces choses-là ne sont connues que par indication37. »
38
Je vis Sîdî
Ahmad b. ‘Alîwa dans une réunion de disciples. Il nous revêtit
de l’habit des médecins et nous dit : « Vous m’êtes
affectés. » Puis il fit un discours, tout en tenant à la main
une épée. Quant à ceux qu’il avait revêtus de l’habit du
médecin, il y avait parmi eux un serviteur, le moqaddem Sîdî
al-‘Arabî al-Ashwâr, son fils Sîdî Muhammad, Sîdî Sâlih
Bendimérad, Sîdî Ahmad al-‘Ash‘âshî [Lachachi], Sîdî
l-Hâjj Muhammad Bû‘ayyâd et Sîdî Muhammad b. ‘Abûra38.
39
Je me vis
entrer dans le tribunal pénal, mais ne le reconnus pas tant il était
grand. Il était bondé, tant il y avait de monde, et illuminé d’une
grande clarté. Le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa était assis au
milieu des gens. Les israélites venaient à lui avec l’intention
d’entrer en islam. À chaque fois que l’un d’entre eux le
faisait, le cheikh faisait pour lui une prière en levant les mains.
Je me dis alors en moi-même : « Il vaudrait mieux qu’il
termine de recevoir leur serment (mubâya‘a)
à tous avant de faire cette prière. » Un homme me dit alors :
« Au contraire, il est indispensable qu’il en fasse une
particulière pour chacun d’entre eux. » Lorsque le cheikh
eut terminé de recevoir leur serment. Il sortit du lieu, suivi par
les gens. On lui avait préparé une très grande fête, et il était
monté dans une calèche. Les gens se pressaient autour et lui
témoignaient un immense respect39.
40
Je vis en rêve
le cheikh Ahmad b. ‘Alîwa venir dans notre région, accompagné
d’un groupe de justes. Quand je le rencontrai, il me prit dans ses
bras, et me fit ainsi monter au ciel. Après qu’il m’eut ainsi
fait faire un parcours assez long dans les airs, il me redéposa sur
le sol. Je me dis alors qu’il fallait absolument inviter le cheikh
chez moi. Lorsque j’entrai chez moi, je vis que tout était propre
sauf un petit coin de la maison où il y avait quelque chose comme de
la moisissure. Je me mis alors à réfléchir à la façon de
nettoyer cela. Et c’est alors que je m’aperçus que le cheikh
al-‘Alawi avait disparu40.
41
Je me vis
moi-même dans un rassemblement énorme de disciples soufis et
d’autres qui ne l’étaient pas, dans une vallée à l’extérieur
de Mostaganem. Le cheikh Ahmad b. ‘Alîwa avait commencé à
admonester les gens, leur parlant des différentes sortes de
châtiments qui nous attendent dans la vie future. Derrière lui, il
y avait un groupe de spécialistes de la religion. L’un d’eux dit
soudain à voix haute, citant le Coran : « L’ordre
de Dieu est un décret arrêté. »
Le maître dit : « Pourquoi ne pas aller voir maintenant
le pont Sirât,
et nous verrons ainsi qui est sauvé et qui est perdu ? »
Puis il se leva et fit face à la qibla,
et demanda à deux de ses disciples d’initier les gens à la parole
de l’adoration pure (kalima
al-ikhlâs), au
moment où ils traversaient le pont. C’est alors que le feu de la
géhenne prit forme sous nos yeux. Les gens commencèrent à
traverser le pont. Ceux qui exprimaient la parole de l’adoration
pure étaient sauvés tandis que ceux qui éprouvaient une difficulté
à le faire étaient happés par les anges du feu. Le cheikh Ahmad b.
‘Alîwa se trouvait en tête du chemin (tarîqa).
Celui qui passait par lui recevait une feuille pour lui permettre
d’être sauvé. Lorsque ce fut mon tour, il me donna deux feuilles.
Je me dis que peut-être il avait eu peur pour moi en raison de mes
nombreuses fautes ; Puis je m’avançai [sur le pont] et fus
sauvé : louange à Dieu41 !
42
J’étais avec
le cheikh Ahmad b. ‘Alîwa. Il se mit à parler de l’influx
spirituel et du secret divin. Puis il dit : « Peut-être
connaissez-vous ce que signifie cette expression : « influx
spirituel » (madad).
Puis il se tourna vers la droite et vis un tas de bois sec ; il
demanda alors à chacun de prendre un morceau de bois et d’y
enfoncer son ongle. Je me dis en moi-même : « Comment
l’ongle pourrait-il pénétrer dans du bois sec ? » Nous
prîmes chacun un morceau de bois et le cheikh nous dit :
« Mentionnez le Nom suprême (c’est-à-dire quand nous
invoquons : Allâh !
Allâh !)
trois fois, cela ramollira le bois et vous pourrez enfoncer vos
ongles dedans. » Nous le fîmes et constatâmes effectivement
que le bois devenait plus tendre. Le cheikh expliqua : « À
chaque fois que vous répétez le Nom suprême, l’influx spirituel
circule, et le bois, de sec, redevient humide. » Nous
continuâmes donc jusqu’à ce que le bois redevienne finalement
complètement vert, à tel point que nos ongles s’enfonçaient
dedans comme dans du beurre42.
43
J’ai eu de
nombreuses visions entre veille et sommeil, quand je pratiquai
l’invocation. Je voyais l’existence tout entière sous forme
d’écriture, et elle passait devant mes yeux, mais tellement vite
que je n’arrivais pas à voir ce qui était écrit. Je fis effort
pour déchiffrer une écriture en particulier, dont je voyais qu’elle
ne correspondait pas aux lettres tracées qu’on appelle
généralement « écriture ». Elle était une blancheur
pure sur une tablette blanche, et l’existence tout entière était
cette tablette, de même que l’encre s’identifiait également à
la tablette, et c’est ce qui faisait qu’elle ne pouvait pas être
effacée. Je me dis alors : « Gloire à Dieu ! Le
cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa a voulu nous faire fixer la
manifestation de l’Essence par l’encre absolue, au point que j’ai
pensé que l’encre avec la tablette, c’est l’Unicité
(wâhidiyya),
tandis que si l’on ne prend pas en considération cette encre en
relation avec la tablette de l’existence, c’est alors l’Unité
(ahadiyya)43. »
44
Lorsque je me
rattachai à la tarîqa
Alawiyya, je vis en songe le cheikh al-Sâdiq al-Nîfar, cadi à
Tunis, qui me demandait : « Connais-tu le cheikh Sîdî
Muhammad al-Bûzîdî ? » Je répondis : « Oui,
c’est le maître de mon maître, Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa »,
et je me mis à faire son éloge. Soudain, je me transformai en
oiseau, et le cheikh al-Nîfar me prit et me lança derrière le mur.
Puis il me dit : « Le cheikh al-Bûzîdî te
recevra ! », et il en fut bien ainsi. Lorsqu’il me
reçut, le cheikh al-Bûzîdî me dit : « Ferme les
yeux, et c’est le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa qui te
recevra. » Puis il me lança également. Lorsque j’ouvrai les
yeux, je vis que je me trouvais devant le cheikh Sîdî Ahmad b.
‘Alîwa, et nous nous trouvions devant la porte de ma maison44.
45
Pendant que je
vaquais à l’invocation suprême,
je vis les lettres
du Nom de la Majesté divine remplir l’univers entier. Or, de ces
lettres, je vis se constituer ensuite la personne du Prophète sous
une forme lumineuse. Puis les mêmes lettres se manifestèrent sous
une autre forme, dans laquelle je perçus la figure du cheikh Sîdî
Ahmad b. ‘Alîwa, sur lequel était inscrit : Mustafâ Ahmad
b. ‘Alîwa, après quoi, j’entendis une voix crier : « Témoins
! Observateurs ! »
Ensuite ces lettres
se manifestèrent une troisième fois, et ce fut sous la forme du
cheikh, dont la tête portait une couronne. Pendant que nous restions
ainsi, voici qu’un oiseau descendit sur sa tête et me parla :
« Regarde, c’est la station spirituelle de Jésus45 ! »
46
Je faisais
paître du bétail et un cheval du cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa à
l’époque où j’étais mujarrid
à sa zaouïa. Cette nuit-là, je me vis en songe coupé en deux. Je
me mis à chercher le moyen de reconstituer mon unité. Une voix me
dit : « Si tu veux récupérer de ta scission et recouvrer
ton unité, caresse le cheval du cheikh. » Je le fis et
récupérai ainsi mon unité. Une fois que je me réveillai, je
m’aperçus que j’aimais maintenant ce cheval alors qu’il
m’était totalement indifférent avant46.
47
Je vis en rêve
le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa ordonner à un héraut de
proclamer dans le pays : « Celui qui veut aller à la
Maison sacrée de Dieu, nous l’y emmenons gratuitement ! »
Les gens répondirent à cet appel et accouraient de partout, et moi
j’étais le premier. Lorsque nous le rejoignîmes, nous vîmes
qu’il était installé dans une voiture toute prête et engageait
les gens à y monter. Lorsqu’elle fut bondée, moi et un groupe
d’autres personnes, nous n’avions pas pu monter. Il me dit :
« Depêche-toi ! », me tendit la main et m’agrippa,
et je me retrouvai sur le toit. Nous commençâmes le voyage, et
notre mouvement ressemblait plus à celui d’un vent impétueux.
Quand nous approchâmes de la côte, la voiture se transforma en
bateau à vapeur. Après avoir vogué environ un mille, la mer se
transforma en mer de lait, avec de forts creux qui amenaient le
bateau à descendre puis remonter alternativement, et pendant tout ce
temps le cheikh nous engageait à rester déterminés. Après cela,
la mer se calma ; nous en buvions de temps en temps ou faisions
la grande ablution parfois. C’est à ce moment que le cheikh nous
dit : « Cette grâce n’appartient qu’à Dieu Seul :
c’est Lui qui nous a fait voguer dans cette mer de lait, voyageant
et buvant : Dieu
possède la grâce immense47 ! »
48
Avant de me
consacrer au dhikr,
j’eux plusieurs visions. Une fois entré en khalwa,
je me vis entrer au paradis. Arrivé à sa porte, je sortis le ticket
d’entrée qui était tout petit. Lorsqu’il le vit, le portier me
dit de revenir avec un ticket plus grand. Je repartis immédiatement
pour le changer, et lorsque j’arrivai auprès du responsable des
échanges de ticket, je vis qu’il s’agissait du cheikh Sîdî
Ahmad b. ‘Alîwa, assis sur une chaise (kursî).
Lorsque je l’eus reconnu, je lui dis : « Demande-t-on
des comptes au soufi (sûfî) ? »
Il remua la tête et dit : « Oui ! Et nous de
même48 ! »
49
La nuit suivant
mon rattachement à la tarîqa
par le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa, je me vis sur une montagne
extrêmement haute. Il n’y avait aucun chemin pour descendre. Je
restai donc là embarrassé ne sachant que faire, et au bout d’un
moment, j’eus l’idée de me jeter dans le vide du haut de cette
montagne. Puis j’hésitai, et c’est alors que j’entendis une
voix dire : « Celui qui a un maître peut se jeter de la
plus haute montagne et ne court aucun risque ! » Je dis
alors : « Pourquoi aurais-je peur, alors que j’ai
rencontré un maître connaissant Dieu ? » Je me jetai
alors dans le vide et vis que je me trouvais sur les épaules du
cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa, qui me sortit de cette embûche49.
50
Après mon
rattachement à la tarîqa
‘Alawiyya, je vis le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa en compagnie
d’un groupe de disciples, en train de prier sur la mer. C’est
alors qu’un homme dit : « Qu’a donc ce cheikh à prier
avec ses disciples sur la mer ? » Lorsque le cheikh eut
terminé sa prière, il se tourna vers l’homme et lui dit :
« Nous, nous prions sur la mer, et nous voyons l’envoyé de
Dieu dans la mer50. »
51
J’étais ce
jour-là avec des gens qui disaient des choses déplaisantes sur le
cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa. La nuit même, je me vis en songe
en train de réciter [le passage coranique suivant de la sourate
al-Furqân] :
21. Et ceux
qui n’espèrent pas Nous rencontrer disent : « Si seulement on
avait fait descendre sur nous des anges ou si nous pouvions voir
notre Seigneur! » En effet, ils se sont enflés d’orgueil en
eux-mêmes, et ont dépassé les limites de l’arrogance.
22. Le jour
où ils verront les anges, ce ne sera pas une bonne nouvelle, ce
jour-là, pour les injustes ; les anges diront : « On ne passe
pas ! »
23. Nous
avonsl’œuvrequ’ils ont
accomplie et Nous l’avons réduite en poussière éparpillée.
24. Les gens
du Paradis seront, ce
jour-là, en
meilleure demeure et au plus beau lieu de repos.
25. Et le
jour où le ciel sera fendu par les nuages et qu’on fera descendre
des anges,
26. Ce
jour-là, la vraie royauté appartiendra au Tout-Miséricordieux, et
ce sera un jour difficile pour les infidèles.
27. Le jour
où l’injuste se mordra les deux mains et dira : « [Hélas pour
moi ! ] Si seulement j’avais suivi chemin avec le Messager !
28. Malheur
à moi ! Hélas ! Si seulement je n’avais pas pris un tel pour ami
!
29. Il m’a,
en effet, égaré loin du dhikr,
après qu’il me soit parvenu. » Et le Diable abandonne
l’homme à son sort.
30. Et le
Messager dit : « Seigneur, mon peuple a vraiment ce Coran en
aversion ! »
31. C’est
ainsi que Nous avons suscité pour chaque prophète un ennemi au
nombre des criminels.
Lorsque je me
réveillai, j’eus une totale certitude sur le degré du cheikh51.
52
Je me vis en
songe aller voir le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa, qui se trouvait
au milieu de gens que je ne connaissais pas. Lorsque j’arrivai, il
m’adressa un salut appuyé puis se mit à discuter avec moi
délaissant les autres. Il me demanda : « Combien de temps
es-tu resté auprès de nous ? » Il voulait parler du
nombre de jours pendant lesquels je m’étais consacré à
l’invocation du Nom suprême. Je lui répondis : « Je
suis resté deux mois à la zaouïa et six mois chez moi. » Il
me donna alors un petit livre et m’ordonna d’écrire dedans :
« J’atteste qu’il n’y a de divinité que Dieu et
j’atteste que Muhammad est l’envoyé de Dieu. » Je vis que
mon encrier ne me permettait pas d’écrire lisiblement les lettres.
Je pris alors le sien et écrivis très clairement le sens de « Pas
de divinité si ce n’est Dieu »52.
53
Je me vis en
songe en compagnie du cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa. Il y avait
avec nous Sîdî ‘Abd al-Qâdir Bûzîd et nous nous trouvions dans
un lieu, avec une assemblée assise devant nous. Il y avait parmi eux
un homme qui portait un habit d’un blanc intense ; son visage
était resplendissant et sa barbe plus blanche que noire. Je fus
certain que c’était l’envoyé de Dieu. Dans l’assemblée
autour de lui, il y avait ses Compagnons. Je m’étonnais, me disant
intérieurement : « Gloire à Dieu ! L’envoyé de
Dieu est un être humain comme nous ! » C’est alors que
le maître s’avança vers l’envoyé de Dieu et s’assis par
terre devant lui, les genoux repliés sous lui, et commença à lui
parler des gens qui le critiquaient, lui disant : « Ô
Sîdî ! Voilà ce que je fais… », détaillant son
combat pour ordonner le bien et interdire le mal, guider les
créatures sur la voie du salut, etc. « Et pourtant,
continuait-il, les gens nous désapprouvent et font telle et telle
chose. » Le Prophète lui dit alors : « Continue tes
efforts (ijtahid) !
Continue tes efforts ! Continue tes efforts ! » Puis
le cheikh s’en alla et nous le suivîmes53.
54
J’étais ce
jour-là absorbé par l’idée de la réalité muhammadienne
(al-haqîqa
al-muhammadiyya) et
ne faisait qu’y penser, jusqu’au moment où je m’endormis. Je
vis alors en songe le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa assis au
milieu d’une foule de personnes, dont je faisais partie. Il se mit
à parler de la réalité muhammadienne et dit ceci : « Dieu a créé
la réalité muhammadienne de Sa propre lumière, pour marquer
l’immense importance et la noblesse de Muhammad. Puis il a enserré
Sa lumière dans cette “prise” (qabda),
de même qu’il a enserré cette “prise” par d’autres prises
parmi les créatures. Et cette lumière n’a cessé de passer d’être
en être jusqu’à ce que Dieu la propage en moi. Je me manifeste en
elle comme la forme se manifeste dans le miroir. Je me manifeste en
elle comme Lui Se manifeste dans chaque créature. Et c’est
pourquoi Il a dit : Regardez
ce qu’il y a dans les cieux et la terre54.
55
Je vis en songe
le cheikh Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa. J’étais en compagnie de l’un
de mes fils. Il se passa très peu de temps, et j’entendis soudain
un héraut crier : « Le cheikh al-‘Alawî est parti en
direction de la Maison sacrée de Dieu. Ses disciples en furent tout
attristés et se demandaient par quel moyen ils pourraient le
rejoindre. Je me tournai alors vers la droite et vis la Maison en
face de nous sur un plateau. Je dis alors aux disciples :
« Voilà la Maison ! Celui qui veut rejoindre le cheikh,
qu’il vienne avec moi, et je l’y emmènerai gratuitement ! »
Ils dirent : « Quel chemin allons-nous emprunter ? »
Je leur répondis : « Il n’y a pas d’autre solution
que de nous jeter nous-mêmes dans le vide depuis cette montagne ! »
Ils rétorquèrent : « Mais si nous nous jetons dans le
vide, nous allons certainement nous rompre les os et perdre la
vie ! » Je répondis : « Celui qui fait preuve
d’un amour sincère en sortira totalement indemne », et me
jetai en direction de la Maison. J’y trouvai le cheikh, et j’étais
en parfaite santé, si ce n’est que j’étais triste à cause des
disciples. Puis je m’avançai vers la Ka‘ba ;
le maître passa sa main sur mon visage et dit : « Je vois
sur ton visage des lignes ; la première est al-‘irfân,
la deuxième la lumière, la troisième l’Évangile et la quatrième
les Psaumes. » Il ajouta : « Si tu ne comprends pas
maintenant, tu les verras ! » Puis il dit : « Veux-tu
voir la Maison habitée (al-bayt
al-ma’mûr) ? »
J’acquiesçai, et il désigna du doigt le ciel. Je me retrouvai
alors en sa compagnie dans la Maison habitée. Il s’y trouvait un
groupe de jeunes gens qui déclamaient des poèmes. Ils
resplendissaient tels des perles. Ils se tournèrent vers le maître
en lui témoignant un immense respect, et lorsqu’ils furent tous
assis autour de lui, il entonna un chant qui commence par
« Abreuve-nous, ô tavernier ! » Puis je revins chez
moi, laissant le maître dans cette illustre assemblée55.
56
Je fis un songe
dans lequel la religion musulmane avait pris la forme d’un être
humain qui avait l’air triste. Son nom était alors : al-Nâfir
al-manfûr. Le maître Sîdî Ahmad b. ‘Alîwa se trouvait devant
cet être et le fixait du regard. L’être était attiré petit à
petit vers le cheikh, jusqu’au moment où il se trouva tout contre
lui. Puis il s’inclina et l’embrassa sur le milieu de la tête.
Il y avait une multitude de disciples autour d’eux regardant ce qui
se passait. Le maître se tourna alors vers l’assemblée et dit :
« Le secours et la victoire sont proches si Dieu veut. »
Les disciples, tout joyeux de cette bonne nouvelle, se mirent alors à
entonner des chants56.
1
Alawî, p. 165-166 (cité dans Rawda,
op. cit.,
de même que toutes les visions qui suivent).
20
Le moqaddem
béni, le saint de Dieu, Sîdî al-Bashîr Ibn Nâsir, p. 172.
21
Muhammad b. al-Bashîr al-Jarîdî de Tunis (un des secrétaires
d’Alawî), p. 172.
22
Sîdî Ahmad b. Muhammad b. Dahman, moqaddem de la confrérie du
cheikh Sîdî ‘Adda b. Ghulâm Allâh (maître du cheikh Missoum
de Bogharî), p. 172.
23
Le chérif, le saint de Dieu, Sidî Muhammad b. al-Tayyib b. Mûlay
al-‘Arabî al-Darqâwî (arrière petit-fils du cheikh Darqâwî :
c’est lui qui prendra la defense du cheikh Adda dans un article du
Morchid),
p. 172-173.
42
Le moqaddem
béni, Sîdî l-Hâjj Ahmad Bû Rahlah al-‘Annâbî, p. 180.
43
Le connaissant par Dieu, le cheikh Sîdî al-Hâjj Muhammad Arazqî
b. al-A‘lâ de Kabylie, p. 180-181 (le secrétaire précise que
« cette noble personne eut de nombreuses visions et que nous
nous limiterons à celle-ci »).
44
Le connaissant par Dieu et celui qui guide vers lui, le cheikh Sîdî
Muhammad al-Madanî, p. 181.