Ô disciple, l’Esprit et l’âme sont une seule et même chose, de nature lumineuse, issue de l’essence même de la lumière. Seule la qualification au moyen de deux attributs, qui sont la pureté et l’impureté, fait qu’elle se différencie, c’est-à-dire devient duelle : la pureté (safâ’) est son principe tandis que l’impureté n’est qu’une possibilité contingente. Si tu demandes, ô disciple : " Comment cela se produit-il ? ", voici ma réponse : tant que l’Esprit conserve sa pureté, son excellence, son éclat, sa beauté, sa noblesse, sa hauteur et sa grandeur, seul le nom d’Esprit lui convient. Mais quand il perd cet état de pureté, d’excellence, d’éclat, de noblesse, de hauteur et de grandeur, qu’il s’assombrit du fait d’avoir quitté sa patrie et de demeurer en compagnie d’autres que ses bien-aimés, alors le nom qui lui correspond est celui d’âme. En fonction de son état, on l’appelle l’âme qui ordonne le mal, l’âme qui blâme ou d’autres expressions qui correspondent à ses degrés inférieurs, de même qu’elle a d’autres noms pour ses degrés élevés, et ils sont extrêmement nombreux. On a dit qu’elle avait autant de défauts que Dieu a de qualités.
Mon frère, si tu veux revenir à cette patrie dont tu viens — c’est-à-dire le monde de la pureté — et laisser cette patrie qui n’est pas la tienne — c’est-à-dire le monde de l’impureté —, alors agis ! Si tu me demandes comment, je te répondrai qu’il faut se dépouiller du monde de l’impureté de même que l’on enlève la peau du mouton : oublie-le et n’y pense même pas. Ta luminosité se renforcera alors — s’il plaît à Dieu —, c’est-à-dire que les sens spirituels viendront à toi avec leurs armées immenses, fortes et puissantes, et te ramèneront rapidement vers ta patrie. Mais fais véritablement l’expérience, car c’est en expérimentant que l’on connaît les réalités spirituelles.
Certes, Dieu est seul à savoir ce qu’est réellement l’Esprit, compte tenu des innombrables secrets qu’il recèle, conformément à ce qu’Il a dit à son Prophète lorsque les juifs l’interrogèrent sur sa réalité essentielle. Le Prophète ne la connaissait pas, ou plutôt il ne pouvait l’exprimer (‘ajaza ‘anhâ). Les juifs s’étaient d’ailleurs dit, lorsqu’ils avaient voulu l’interroger, que s’il répondait, il n’était pas un vrai Prophète, tandis qu’il en était bien un s’il s’abstenait de répondre : c’est ce qu’il fit puisqu’il ne leur répondit que lorsque Dieu lui eût enseigné ce qu’il fallait dire.
La caractéristique première du serviteur est certainement l’impuissance (‘ajz). Or, la servitude (‘ubûdiyya) est la noblesse même. C’est pourquoi Dieu a loué Son Prophète pour cette qualité lorsqu’il a dit dans Son Livre : Gloire à Celui qui a fait voyager Son serviteur. Il n’a pas dit " Son Prophète " ni " Son Envoyé " ni autre chose. En réalité, Il a choisi pour lui le nom de " serviteur " parce que c’est dans la servitude que réside la noblesse.
On a dit que l’âme avait un secret qui ne s’était manifesté qu’avec Pharaon, lequel dit : " je suis votre Seigneur le plus élevé ! "
Salut !
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